Procès pour viol à Avignon : l’ex-mari de Gisèle Pelicot est condamné à 20 ans de prison

Pendant des années, Gisèle Pelicot a été droguée par son mari et violée par lui et par des inconnus. Le procès contre les hommes se termine par des peines que certains trouvent trop courtes.

Selon le souhait du tribunal, les 51 prévenus du procès pour viol d’Avignon doivent purger au total plus de 400 ans de prison pour les abus massifs commis sur Gisèle Pelicot. Le président du tribunal, Roger Atara, n’a prononcé la peine maximale de 20 ans qu’au principal accusé, l’ex-mari de Pelicot.

Pendant près de dix ans, il a drogué à plusieurs reprises sa femme d’alors, l’a maltraité et a proposé de le violer à des inconnus. Dans l’ensemble, le verdict du tribunal est loin de répondre aux exigences du procureur.

09/02/2024, France, Avignon: Les co-accusés parlent à un avocat (r) au palais de justice lors du procès d’un homme accusé d’avoir drogué sa femme pendant près de dix ans et d’avoir invité des étrangers à lui rendre visite dans leur maison de Mazan , une petite ville du sud de la France. Photo : Christophe Simon/AFP/dpa

Le tribunal a condamné les 50 coaccusés à des peines de prison allant de 3 à 15 ans, la plupart pour viol, parfois uniquement pour violences sexuelles ou tentative de viol. Le tribunal n’a accordé à personne l’acquittement que beaucoup espéraient.

Les accusés ont gardé la tête baissée pendant le verdict, l’un d’entre eux fondant en larmes, comme l’ont rapporté les quelques journalistes admis dans la salle d’audience. Devant le bâtiment, des militants scandaient « Honte à la justice ! » Gisèle Pelicot a simplement déclaré à propos de la peine qu’elle respectait le verdict. Le verdict n’est pas encore définitif et un appel est possible.

– L’ex-mari avoue, mais ne s’estime pas très violent : Gisèle Pelicot estime avoir subi environ 200 viols à cause du comportement choquant de son ancien compagnon. Les enquêteurs estiment qu’une douzaine d’autres hommes ont été impliqués dans les crimes que Dominique Pelicot a capturés dans des centaines de photos et de vidéos. Cependant, ils n’ont pas pu être identifiés.

L’ex-mari avait avoué au tribunal et se décrivait comme un accro au sexe et un pervers. Il a déclaré qu’il voulait se subordonner une femme émancipée. Mais il ne se considère pas comme particulièrement violent. C’est lui qui a orchestré le viol massif de sa femme et a fait des connaissances sur Internet à cet effet.

– De nombreux prévenus ne veulent pas voir les actes comme un viol : Le procès entourant les atrocités a été caractérisé par des déclarations méprisantes et un manque de perspicacité – lorsque, par exemple, les accusés ont déclaré : « J’ai violé contre ma volonté » ou ont fait des déclarations d’excuses : « J’avais un pénis là où appartient le cerveau ».

Beaucoup ont reconnu avoir pénétré Gisèle Pelicot sans son consentement. Cependant, beaucoup de gens ne voulaient toujours pas voir cela comme un viol. Il n’est donc guère surprenant que plus de la moitié des accusés aient demandé l’acquittement par l’intermédiaire de leurs avocats. Gisèle Pelicot a qualifié la procédure de « procès de lâcheté ». Ce fut un « voyage douloureux » pour elle.

19 décembre 2024, France, Avignon : un homme tient une affiche avec l’inscription « Merci pour votre courage Gisele Pelicot » devant le palais de justice d’Avignon. Photo : Lewis Joly/AP/dpa

La sociologue du droit Irène Théry pointe le terme de « viol d’opportunité ». Les viols ont souvent lieu lorsque l’occasion se présente, a-t-elle déclaré au magazine « Le Nouvel Obs ». « Dans une perspective chauvine encore profondément ancrée, ce viol d’opportunité s’accompagne d’un sentiment d’innocence (« Je n’ai pas violé ») et d’impunité (« Il ne m’arrivera rien »).

– De victime d’abus à modèle : Mais le procès montre aussi le combat d’une femme qui ne veut pas rester éternellement victime. L’avocat Stéphane Babonneau a raconté la honte de Pélicot d’être devenue une femme violée, une « victime éternelle », un objet de pitié. Afin d’encourager d’autres femmes maltraitées, la jeune septuagénaire a décidé de ne pas mener le procès à huis clos. « Je veux qu’ils n’aient plus honte. Ce n’est pas nous qui devrions avoir honte, c’est eux », a-t-elle déclaré devant le tribunal.

Pelicot, qui a longtemps été célébrée comme une icône féministe, ne voyait pas quelle attention attirerait son apparition décisive. Elle est désormais connue dans le monde entier. Quand vous entendez le nom de Pelicot, vous pensez surtout à elle, a déclaré la femme âgée devant le tribunal. Elle voulait que ses enfants puissent porter ce nom sans honte. Après le verdict, elle a souligné qu’elle ne regrettait pas d’avoir mené le procès ouvertement.

– Le processus pourrait changer le droit pénal : Avant même que le verdict ne soit rendu, les avocats de Madame Pélicot ont affirmé dans leur plaidoyer profondément politique que le procès et le verdict faisaient partie de la volonté transmise aux générations futures. Et de fait, la procédure est déjà historique et aurait pu avoir des répercussions en France. En raison de la crise politique que traverse le pays, le Parlement se trouve actuellement dans une large impasse, mais des modifications du droit pénal sont proposées pour stipuler que le consentement explicite doit être donné aux actes sexuels – également en raison des procédures judiciaires à Avignon.

19 décembre 2024, France, Avignon : Gisèle Pelicot s’adresse aux journalistes alors qu’elle quitte la salle d’audience à Avignon, dans le sud de la France. Photo : Lewis Joly/AP/dpa

– L’arnaque du mari reste pour l’instant un problème non résolu : Des personnalités politiques ont également participé elles-mêmes au processus. Mais on ne sait toujours pas comment la France envisage de s’attaquer à l’avenir au problème de ce qu’on appelle « l’asservissement chimique », c’est-à-dire l’anesthésie malveillante avec des médicaments ou des drogues. Dominique Pelicot n’a pas utilisé le dark web pour se procurer de la drogue pour droguer sa femme. Tous les quelques mois, il achetait des somnifères sur ordonnance.

Le co-plaignant Antoine Camus a prévenu que le problème était connu depuis des années, notamment à travers des éliminations à élimination directe dans le milieu des clubs. Mais 99 pour cent des victimes manquaient tout simplement de preuves. Son client Pelicot fait exception. « Sans ces vidéos, il est probable que ces abus envers Gisèle auraient continué jusqu’à la tuer. »

« Aujourd’hui, j’ai confiance en notre capacité à prendre ensemble en main un avenir dans lequel tous, femmes et hommes, pourront vivre en harmonie, dans le respect et dans la compréhension mutuelle », a déclaré Gisèle, visiblement émue après les verdicts de culpabilité. Le procès autour des abus massifs commis contre Gisèle Pelicot s’est désormais terminé avec le verdict. Mais le processus social de règlement de cette affaire ne fait que commencer. (dpa)